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Seule

Immobile sur la grève, mes longs cheveux noirs flottant au vent du large, je regarde la marée monter lentement au rythme des vagues et des courants, et je songe à ce que je suis devenue. Je ne sais trop à quel moment la chance m’a abandonnée, mais il y a, c’est évident, un certain temps déjà que cela s’est produit…

J’ai vingt-cinq ans. La vie me quitte doucement, me laissant un arrière-goût amer. Dois-je vivre ou mourir ? Je préfère ne pas y penser ! La tentation de choisir la voie la plus facile est grande et ce serait sûrement dommage d’y céder. Priver la société de ma magnifique présence, quelle horreur… L’idée me séduit, l’ironie étant l’une des dernières choses qui peut encore réussir à m’arracher un semblant de sourire, et ce n’est pas peu dire.

Je scrute l’horizon, cherchant un signe, quelque chose pour me convaincre que ma présence ici-bas est encore nécessaire. Je sais que je partirai les mains vides, une fois de plus, ramenant avec moi une kyrielle de souvenirs troublants, déchirants, mais surtout impossibles à ignorer. Et je ressasserai une fois de plus mon parcours, cherchant ce qui a fait tourner au cauchemar mon conte de fées moderne… Le regard dans le vague, je perds rapidement le fil du temps. Je me sens doucement glisser dans une mémoire que je m’efforce pourtant d’oublier.

Je me revois si bien, jeune et insouciante, à peine quatre ans auparavant. Incomprise de mes pairs, je venais de célébrer ma première année de mariage et j’attendais la venue d’un enfant. En ces temps de liberté et d’indépendance, j’avais délibérément fait une croix sur une possible carrière pour fonder une famille. Peu m’importait, à ce moment-là, le diplôme universitaire que j’avais pourtant décroché avec mention. J’étais déjà euphorique à l’idée d’avoir de nombreux bambins, de petites merveilles ressemblant à leur père. Convaincue d’avoir l’éternité devant moi et la chance à mes côtés, je regardais vers l’avenir avec la foi inébranlable de ceux qui se croient bénis des dieux. La suite des événements allait me donner tort, et je me demande maintenant comment j’ai pu penser que ce serait facile.

Alicia est née à terme, en pleine tempête de neige, un soir de novembre. Une magnifique petite fille de sept livres et treize onces. Elle criait à pleins poumons et, un instant, nous avons cru qu’elle ne s’arrêterait jamais. Le médecin nous ayant assuré qu’elle était en parfaite santé, nous avons quitté l’hôpital trois jours plus tard. C’était avant…

Avant que nous ne revenions en catastrophe, par un matin glacial de janvier. Il faisait moins trente degrés Celsius à l’extérieur, mais c’était ô combien plus chaud que la température de nos cœurs lorsqu’on nous annonça, deux jours plus tard, que notre petite merveille d’un an avait un cancer. Rien au monde ne pouvait préparer des parents à ce genre de nouvelle. C’était un coup au cœur, un seul, qui blessait et marquait à jamais, peu importe la suite des événements. Je suis aujourd’hui persuadée que, quelle que puisse être l’issue du combat, les parents ne guérissent jamais. Même si la plaie n’est pas mortelle, elle reste toujours béante et nous oblige à nous souvenir.

Nous avons perdu Alicia seize mois plus tard, après qu’elle eut livré un combat acharné, mais trop difficile pour une si petite fille. Malgré tout son courage, elle n’a pu survivre à la chimiothérapie ; elle n’arrivait pas à récupérer suffisamment entre les cycles de traitements, que nous devions sans cesse reporter. Mais le mal, lui, ne souffrait pas les retards et profitait du sursis qui lui était accordé pour gagner du terrain et augmenter son emprise sur un corps trop affaibli pour se défendre. Je ne revois que trop bien cette chambre de soins palliatifs pour enfants, ces médecins désolés mais impuissants, ces infirmières aux regards fuyants parce qu’elles ne savaient que dire, parce qu’il n’y avait rien à dire… Il n’y avait pas de mots pour de telles horreurs, il n’y en aura jamais. Il n’y avait que l’impuissance totale, la souffrance brute et l’incompréhension. Cette incompréhension qui m’habite encore aujourd’hui.

J’ai porté ma fille en terre au mois de mai, juste avant la fête des Mères. Puis, six mois plus tard, ce fut le tour de Francis, mon conjoint. Il a perdu la maîtrise de son véhicule dans un virage et le fardier qui venait en sens inverse n’a pas pu l’éviter. Francis est mort sur le coup. C’est la police qui a soutenu la thèse de la perte de contrôle, pas moi. Je n’y ai pas cru et n’y croirai jamais. Francis est parti le 16 novembre, jour de l’anniversaire d’Alicia. Elle aurait eu trois ans. Et lui vingt-huit, s’il avait choisi de rester. Mais il a préféré courber le dos sous le poids d’un fardeau trop lourd pour quelqu’un de si jeune. Je ne le blâme pas, non, mais je me demande souvent s’il a eu une petite pensée pour moi, qui ai maintenant un double deuil à porter et toute une vie pour le revivre.

La vague à mes pieds arriva juste à temps pour me tirer de ma rêverie et me ramener sur les berges de Saint-Joseph-de-la-Rive, dans Charlevoix, en ce soir d’avril 1999. Cinq mois s’étaient écoulés depuis que ce deuxième vide immense s’était installé en moi. Pour l’éternité ? Je hausse les épaules. Je ne sais pas si je serai capable d’aimer de nouveau, de peur de revivre cet enfer.

La marée est maintenant à mi-chemin de la berge et je dois regagner la maison de ma tante, au 264 de la Côte des Cèdres. La marche d’une vingtaine de minutes me dégourdira les jambes après ces quelques heures passées dans le vague à ressasser mon passé. J’ai désespérément besoin d’exercice et de divertissement pour pouvoir chasser mes idées noires. Après tout, j’ai trop de travail devant moi pour m’abandonner à la nostalgie.

Une dizaine de minutes plus tard, la maison se profile à l’horizon. Elle est entourée d’érables majestueux et de pins géants ; des pommiers attendent patiemment de se couvrir de fruits, juste derrière la petite cuisine d’été. Un caveau d’un autre âge trahit sa présence par une porte rouge sang, qui semble jaillir de terre. Quand j’étais jeune, je m’imaginais que c’était la porte des enfers, puis de quelques mondes lointains et enchantés. Des terres non cultivées depuis des années s’étendent derrière les bâtiments, à flancs de montagne, et une étable délabrée, ainsi qu’un hangar tenant debout par miracle complètent le tableau.

Si, de loin, la maison se montrait toujours imposante et majestueuse, de près, elle inspirait plutôt la tristesse et la désolation. L’extérieur était demeuré inchangé depuis ma jeunesse, si ce n’est la peinture qui s’écaillait de plus en plus. Le jaune clair des murs avait lentement fait place au gris terne du bois mal protégé. Le toit de tôle, jadis d’un bleu marine inspirant la noblesse, n’avait maintenant de noble que la taille de ses taches de rouille sans cesse grandissantes. Cette demeure centenaire avait autrefois évoqué la richesse et fait l’envie de ses voisines, mais il y avait un certain temps qu’elle n’inspirait plus rien, si ce n’est une fin prochaine. J’étais venue des Cantons de l’Est dans l’espoir, entre autres choses, de lui redonner son lustre d’antan.

La perspective de ces montagnes de boîtes qui m’attendaient à l’intérieur suffit à dissiper ce qu’il me restait de cafard.

Enfin, pour le moment… J’avais accepté ce travail avant tout pour me changer les idées, et la stratégie avait assez bien réussi, malgré quelques épisodes comme celui de tout à l’heure.

Ma grand-tante, qui m’avait élevée après la disparition de ma mère, avait hérité de cette vaste demeure l’été dernier. Celle-ci, datant du XIIIe siècle, avait désespérément besoin qu’on lui accordât un peu d’attention. Mon grand-père, qui l’avait habitée longtemps, avait dû la quitter deux ans plus tôt, son état nécessitant une attention particulière en institution. Il avait choisi d’en faire don à sa sœur de son vivant, mais ma tante avait refusé d’en prendre possession aussi longtemps que son frère vivrait. « J’aurais la désagréable impression d’être une intruse là-bas, sans lui », répétait-elle sans cesse quand on lui en parlait. Elle préférait attendre et la bâtisse était demeurée inhabitée jusqu’au décès de Joshua, l’hiver précédent.

Tatie Hilda, comme je me plaisais à l’appeler, forte de l’idée d’en faire un couette et café, espérait que l’on arriverait en quelques semaines à tout retaper et à tout réaménager. J’avais acquiescé à sa demande d’aide sans réfléchir puisque mes souvenirs étaient ceux d’un salon propret où personne n’allait jamais et d’une cuisine mal entretenue, mais tout de même fort convenable. Je n’avais jamais porté attention à l’aspect de la maison au cours de mes innombrables visites, pendant les vacances d’été et les congés fériés. Nous avions toujours résidé, avec mon père et ma mère d’abord, puis avec ma tante ensuite, dans la cuisine d’été qui jouxtait la façade nord de la maison. Nous y avions toutes les commodités nécessaires et mon grand-père venait nous y rendre visite chaque jour, par la porte contiguë.

À l’appel de Tatie, je m’étais donc dit qu’une personne de l’âge de mon grand-père ne pouvait pas faire beaucoup de torts à une maison, si vieille fût-elle. Je faisais grandement erreur. Près de vingt ans d’inaction avait fait des dommages considérables, à commencer par la montagne d’objets accumulés, lentement mais sûrement, au gré du temps. Pas une pièce, si grande fût-elle, ne débordait d’un fouillis indescriptible.

J’étais arrivée une semaine auparavant, déterminée et inébranlable, convaincue que le boulot serait vite expédié. Neuf jours plus tard, les multiples bacs pour la récupération, de même que le conteneur à déchets loué pour l’occasion, s’emplissaient à une vitesse folle, mais le contenu de la maison ne suivait pas le mouvement inverse. Il me semblait que les murs allaient s’ouvrir sous la pression des boîtes et des objets hétéroclites qui se trouvaient encore à l’intérieur. Mais bon ! Je n’avais pas, de toute façon, d’autre projet pour le moment.

J’avais fermé ma maison dans les Cantons de l’Est pour une période indéterminée. Je n’avais pas d’emploi stable et je vivais de la confortable assurance-vie de Francis, le temps de me « stabiliser », comme le disait si bien mon psychologue. J’en étais à me demander par quoi je commencerais, en cette fin d’après-midi, lorsque que je m’entendis interpeller.

— Hé, Naïla ! Où étais-tu passée ma chérie ?

Je découvris tante Hilda qui m’attendait sur la galerie avant, une tasse de café à la main. Cette petite femme grassouillette et sympathique ne ressemblait physiquement en rien à son frère. Elle mesurait à peine un mètre cinquante – avec des bas comme elle se plaisait à le dire – et avait les cheveux noirs, striés de nombreuses mèches grises. Son visage reflétait la douceur et la tendresse, mais ses yeux bleus étaient assombris par un soupçon de tristesse perpétuelle, comme si la vie lui avait refusé quelque chose et qu’elle ne s’en était jamais remise. Elle incarnait pour moi la chaleur et l’amour d’un foyer dont j’avais eu si cruellement besoin dans mon enfance, après la perte de mes parents.

Son ton joyeux contrastait avec l’inquiétude que je pouvais lire dans son regard. Je me doutais bien qu’elle s’était encore fait du souci durant mon absence prolongée, mais je n’y pouvais rien. Je lui souris tendrement.

— J’étais seulement allée me balader sur la grève pour me changer les idées.

Ma réponse ne devait pas être très convaincante puisqu’elle me lança un regard de compréhension, mais n’insista pas. Je l’en remerciai en silence ; je n’avais aucune envie d’expliquer ou d’argumenter. Je préférais détourner la conversation.

— Je crois que nous devrions nous attaquer à la chambre des maîtres, question de changer. La cuisine a retrouvé ses fonctions premières et je n’ai guère envie de replonger dans les armoires qui restent aujourd’hui. Les vêtements, chaussures et autres articles personnels feraient une diversion acceptable. Qu’est-ce que tu en dis ?

— Je pense que c’est envisageable, si tu me promets de ne passer aucun commentaire sur la garde-robe démodée de mon frère et sur ses goûts parfois discutables en matière de vêtements.

Si le ton était indulgent, la demande n’en était pas moins sérieuse. Tante Hilda avait difficilement accepté le décès de son frère, des suites d’une pneumonie. Le vide créé par son départ était immense et le sujet, encore très douloureux. D’aussi loin que je me souvenais, ils avaient toujours été très près l’un de l’autre, malgré leurs seize années d’écart.

Joshua était né d’un premier mariage. Sa mère, âgée de seize ans à l’époque, avait eu une grossesse difficile et un accouchement hasardeux. Elle avait survécu, mais n’avait plus eu d’enfants. Je savais, pour l’avoir maintes fois entendu dire, que le père de Joshua avait aimé sa femme d’un amour inconditionnel jusqu’à son décès, l’année des quinze ans de son fils. Joshua père se remaria l’année suivante avec une femme étrange qui, selon les vieilles commères du village qui se plaisaient à perpétuer ces ragots, se comportait bizarrement et s’adonnait à la sorcellerie ; une croyance que je pensais pourtant disparue depuis belle lurette. Une petite fille était bientôt née de cette union, mais la mère avait, dit-on, renié l’enfant, criant à qui voulait l’entendre que ce bébé ne pouvait être le sien et qu’il devait y avoir eu substitution. L’histoire avait fait grand bruit à l’époque, en 1937. La mère ne s’était jamais remise. On l’avait rapidement envoyée dans un asile, où elle était morte dans un incendie deux ans plus tard à l’hôpital Saint-Michel-Archange de Québec. Celui-là même d’où ma mère s’enfuirait, quarante ans plus tard. Les circonstances et les détails de ce triste mariage avaient rapidement sombré dans l’oubli puisque la guerre avait bientôt occupé les pensées de la population.

Bien que ce ne fût que sa demi-sœur, Joshua avait pris un soin jaloux de l’enfant, et cette dernière le lui avait rendu au centuple en grandissant. Même après son mariage, le jeune homme avait gardé Hilda à ses côtés. Son père ne voulant plus d’une femme dans sa vie, la petite avait terriblement besoin d’une mère. Joshua et Tatie étaient toujours restés très proches, malgré le départ de celle-ci pour les Cantons de l’Est, à sa majorité, où elle était devenue religieuse chez les Sœurs de la Présentation de Marie. Ils s’étaient écrit pendant de longues années et s’étaient revus plus souvent à partir du moment où ma tante avait quitté la religion pour élever une petite fille de sept ans devenue orpheline, moi. Pour ma part, je n’avais jamais osé poser de questions sur cette aïeule étrange, le sujet étant tabou dans la famille.

Je répondis donc à Tatie que c’était d’accord, tout en montant les marches menant à la porte d’entrée. Elle me rejoignit et nous nous dirigeâmes vers la chambre des maîtres, située entre la cuisine et le salon. Les boîtes y étaient moins nombreuses que dans les pièces non répertoriées du deuxième palier, mais l’odeur de la naphtaline prenait à la gorge. Il y avait peu de vêtements qui pourraient être réutilisés, la plupart ayant été mangés par les mites. L’inventaire se fit rapidement et en silence, chacune de nous étant plongée dans ses propres pensées et n’osant interrompre la réflexion de l’autre. Seule une question, de temps à autre, venait rompre la monotonie. Nous travaillâmes ainsi jusqu’à huit heures passées. C’est la faim qui nous obligea finalement à remettre le reste de la corvée au lendemain. Nous étions exténuées et couvertes de poussière ; un repas et un bon bain ne feraient pas de tort.

Je préparai le souper, et ma tante, qui en avait profité pour prendre un bain, me rejoignit bientôt. Nous dégustâmes, tout en jasant de choses et d’autres. Nous avions vécu ensemble une douzaine d’années avant que je ne me marie et nous avions appris à communiquer de bien des façons. Autant nous pouvions parler pendant des heures, autant il nous arrivait simplement d’apprécier la présence de l’autre sans avoir besoin de dire quoi que ce soit. Ce retour à la routine de mon adolescence, cette dernière semaine, me faisait un bien immense.

Nous desservîmes la table et lavâmes la vaisselle, tout en commentant les derniers potins du coin. Et Dieu sait qu’il y en avait ! J’étais toujours fascinée de constater à quel point les gens de ces terres reculées pouvaient porter une attention si soutenue aux moindres faits et gestes de leurs voisins. Rapidement lasse de ces histoires, je traversai bientôt vers la cuisine d’été et montai me coucher. Demain viendrait bien assez vite et nous avions encore beaucoup à faire.

Je m’allongeai dans le noir sur mon minuscule lit de camp et fermai les yeux. Épuisée, je m’attendais à trouver rapidement le sommeil, mais ce ne fut pas le cas. Les bras de Morphée me fuyaient délibérément sans que je sache pourquoi. Je me levai finalement, au bout de ce qui me sembla être une éternité, et me rendis à la fenêtre.

Le ciel dégagé regorgeait d’étoiles et la lune, ronde et lumineuse, semblait veiller sur cette terre. Son reflet argenté sur le fleuve offrait un spectacle magnifique. Je me pris à rêver de faire une balade sur la grève à marée basse, par un soir comme celui-ci. D’aussi loin que je me souvenais, j’avais toujours aimé le fleuve et ses marées ; ce duo indissociable m’attirait tel un aimant, j’ignorais pourquoi. Je restai là un long moment, perdue dans mes souvenirs, mais moins triste qu’à l’habitude. Puis, étrangement sereine, je regagnai mon lit où je sombrai dans une torpeur sans rêve jusqu’au lendemain matin.

Je me réveillai d’excellente humeur, m’habillai et descendis rapidement à la cuisine où flottait une délicieuse odeur de bacon et de pommes de terre rissolées. J’avais une faim de loup. Ma tante me sourit tendrement et du doigt me montra la table, où m’attendait une assiette digne d’un bûcheron.

— Je vois que tu prévois une grosse journée, dis-je avec un sourire amusé. Si l’ampleur de la tâche se mesure à celle de mon assiette, je crois que je ferais mieux de m’y mettre tout de suite.

Ma tante éclata de rire et s’assit en face de moi. Elle déplia Le Soleil, journal qui nous parvenait de Québec et qu’elle descendait chercher chaque matin au magasin du village, et se plongea dans sa lecture quotidienne, sourire aux lèvres. Je dévorai littéralement mes œufs et leurs multiples accompagnements avec un plaisir non feint.

Mon repas terminé, je desservis la table et glissai la vaisselle dans l’eau savonneuse de l’évier, me demandant à quel sinistre recoin de cette maison j’allais bien pouvoir m’attaquer aujourd’hui après que j’aurais terminé la chambre commencée la veille. Tatie me tira de mes pensées.

— Tu veux bien t’occuper d’expliquer aux messieurs qui viennent d’arriver dans la cour ce que je désire exactement pour la réfection de la toiture ? Tu as toujours eu plus de facilité que moi avec les plans, les devis et les rénovations de toutes sortes. Personnellement, je ne suis même pas capable de distinguer une vis à tôle d’une vis à bois.

J’éclatai de rire et me dirigeai vers la porte d’entrée. Travailler à l’extérieur me changerait des odeurs de moisissure et de poussière, de même que des boîtes et des antiquités, et l’obligation de superviser les travaux m’empêcherait de trop réfléchir.

Les hommes, ils étaient trois, avaient déjà installé leur échelle contre la façade avant et l’un d’eux, que je présumai être le contremaître, se préparait à y monter. Je l’interpellai joyeusement et il attendit que je le rejoigne. Il m’expliqua ce qu’il avait projeté de faire d’après ce que ma tante lui avait dit lors de leurs entretiens précédents. Je ne pus qu’approuver les plans, puis je le laissai rejoindre ses compagnons déjà sur la toiture.

L’avant-midi passa en un éclair, occupée que j’étais à ramasser les débris de toutes sortes qui tombaient du toit. Je dus également me rendre là-haut puisque certaines pièces de bois devaient être remplacées. Les hommes descendirent pour dîner vers midi et je décidai de leur tenir compagnie, ma tante étant partie à Québec.

À la fin de la journée, deux versants sur quatre offraient une toute nouvelle allure, les feuilles de tôle neuves contrastant agréablement avec les anciennes. Il resterait donc deux autres côtés, de même que la toiture de la cuisine d’été et des galeries. Les ouvriers m’avaient assuré que le travail serait terminé pour la fin de semaine, ce qui leur laissait encore deux jours pour y arriver. Je rentrai pour souper, avant de m’étendre sur le canapé. J’avais emporté quantité de bons films à écouter dans mes bagages, mais le manque de temps et la fatigue ne m’avaient pas permis d’en profiter jusque-là. Je me promis de remédier à la situation pas plus tard que le soir même.

Je terminais mon premier film lorsque ma tante revint de Québec. Elle claqua la porte et me cria de la rejoindre dans la cuisine.

— Alors, la journée s’est bien passée ? J’ai cru discerner au moins deux pentes terminées, mais je ne suis pas certaine. Il commence à faire très sombre dehors.

— Tu ne t’es pas trompée. Ils prévoient terminer pour le week-end. Et toi, est-ce que tu as trouvé ce que tu cherchais ?

— Oui, et je crois que tu vas adorer. Je me suis finalement rangée à ton opinion concernant le cachet à donner à la maison et j’ai fait les emplettes nécessaires, me dit-elle d’une voix satisfaite.

Nous convînmes de décharger le véhicule le lendemain, nous y verrions plus clair. Après un chocolat chaud et quelques biscuits, nous nous quittâmes pour un repos salutaire avant une autre journée qui risquait d’être, elle aussi, fort occupée.

 

Naïla de Brume
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